Kamikōchi et ses effluves divines

Une galerie de photos et vidéos, nommée Kamikochi, est disponible pour vos yeux

Le 24 octobre passé, au lendemain d'un souper chez le sensei de judo, où nous avons mangé le meilleur boeuf wagyu du monde, nous avons pris l'autobus, tôt le matin, pour nous rendre à Kamikōchi, qui se trouve dans les Alpes japonaises du Nord (les montagnes Hida), au cœur du Parc national de Chūbu-Sangaku, dans la préfecture de Nagano. L'altitude moyenne est d' environ 1 500 mètres, et la vallée est traversée par la rivière Azusa (Azusagawa), aux eaux turquoises glacées provenant des sommets environnants.  La randonnée, dans la vallée principalement, nous présentait ses bouleaux et mélèzes japonais, ses marécages et tourbières.  Un endroit plein de vie, sans parler des oiseaux qui nous accompagnaient de leur chant.  Beaucoup de plaisir à respirer les effluves de cette nature luxuriante.  

Le nom Kamikōchi signifie littéralement « le lieu supérieur » ou « le haut plateau des dieux ».  Le sanctuaire Hotaka-jinja Oku-miya, au bord du Myojin-ike, témoigne encore de ce lien religieux entre montagne et divinités.  C'est Delphine qui a été l'heureuse élue pour poursuivre le chemin dans la montagne et visiter le sanctuaire et le temple.  De l'autonomie, en pleine foule et en pleine nature.  Bravo Delphine.  Elle est revenue, tout sourire, avec, à la main, son livre d'étampes ouvert à l'endroit où se dévoilait une belle et fraîche étampe faite à la main.  Ce rituel d'étampes est vraiment appréciée par Miss D (et tant de japonais et visiteurs aussi), spécialement ces étampes bien uniques, créées devant ses yeux, par une personne liée au temple. Elle souhaite d'ailleurs vous parler du phénomène des étampes au Japon dans une autre publication.

Au creux de la vallée, ce pont suspendu, le pont Kappa-bashi, où tant (trop) de gens y prennent des photos.  Tant de beauté, détruite, littéralement, par trop de touristes.  Et bien sûr, on se compte là-dedans.  Cela pousse encore ma réflexion de l'affluence humaine dans les endroits les plus reculés de la Terre, où toute l'importance du lieu perd son sens.  J'ai préféré aller directement à la rivière, respirer les effluves, en regardant l'ampleur des montagnes... en essayant de ne pas entendre les cris et les voix de tant de touristes énervés et acharnés à gagner la meilleure place sur ce petit pont.    Le silence, le respect de la nature, si vite gâché... Ahhhh que je me sens fragile, entre deux eaux!!  Me retrouver dans un endroit si mystique et avoir tant de difficulté à me noyer dans toute cette grandeur.... j'avais de la peine.  

Au retour, Mathieu me propose d'être celle qui vous raconte ce moment de voyage, puisque je suis une mordue de montagnes et de nature.  J'accepte.  Et, le temps passe.  Parce que, au fond de moi, je ne sens pas que j'ai pu intégrer toute la splendeur de Kamikōchi.  J'aurai besoin de temps. Deux semaines plus tard, avec le recul, je peux partager avec vous, et oui, témoigner de cette beauté de nature.  La pureté de l'eau, le jeu des couleurs dans les vallons et creusées de montagnes, et surtout, les effluves de conifères qui hantent encore mon esprit.  L'olfaction est le sens le plus archaïque, celui qui colle à la mémoire somato-émotive, celui qui ramène au viscéral profond en nous.  Ce sens, si ancré au plus profond de nous, fait vibrer tant de cellules. J'ai même demandé à Mathieu et Delphine, si et quand j'aurai à mourir un jour, de me permettre ces effluves de conifères délicatement agrumées pour m'accompagner dans mon départ.   Un peu comme pour mourir dans l'hummus d'un sol de pleine nature, comme une feuille qui retourne nourrir le monde des champignons, le retour à la terre.